Quel lien entre vague de chaleur et pollution de l’air ?

Par : Nikita Colas

Publié le   |  Temps de lecture :

Les vagues de chaleur ne viennent pas seules. Elles s’accompagnent de pics d’ozone et de pics de particules fines qui aggravent la qualité de l’air que nous respirons. Quel est le lien entre vague de chaleur et pollution de l’air ? Et quels sont les effets d’une mauvaise qualité de l’air sur notre santé ? 

 

 

Quel lien entre vague de chaleur et pollution de l’air ? 

Avant d’aller plus loin, faisons une mise au point afin de distinguer les gaz à effet de serre des polluants atmosphériques.

  • Les gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane, etc.) sont responsables du dérèglement climatique, mais n’ont pas d’effet direct toxique sur notre santé à court terme (ils ont bien sûr d’autres conséquences).

  • Les polluants atmosphériques (particules fines, ozone troposphérique) quant à eux affectent directement la qualité de l’air que nous respirons avec des conséquences sur notre santé.

Pourtant, les deux sont souvent confondus, pour quelle raison ?

 

Ozone, dioxyde carbone, d’où vient la confusion ?

Des véhicules thermiques !

Ils émettent à la fois :

  • Des gaz à effet de serre, principalement du dioxyde de carbone, lors de la combustion du carburant, que ce soit de l’essence ou du diesel,
  • Des polluants, comme les oxydes d’azote et les composés organiques volatils (COV) et des particules fines, notamment lors du freinage.

Note : Même équipés d’un pot catalytique, les véhicules continuent d’émettre des polluants, les émissions sont réduites, mais elles ne sont pas nulles.

 

Ce qu’il faut comprendre

L’ozone troposphérique (O3), c’est-à-dire l’ozone de basse atmosphère, n’est pas émis directement par les véhicules.

Il se forme à partir des gaz d’échappement des véhicules et des composés organiques volatils (COV) par réaction photochimique : le rayonnement solaire agit comme un catalyseur permettant à la réaction chimique de se produire.

En résumé, circulation automobile intense + rayonnement du soleil + peu de vent = pic d’ozone

À cela s’ajoute l’accumulation des particules fines (PM10, PM2.5), elles aussi piégées par ces mêmes conditions météorologiques.

 

Pollution de l’air : quelles conséquences sur notre santé ?

Irritations, réactions inflammatoires des poumons, symptômes respiratoires, effets néfastes sur le système cardiovasculaire, hospitalisation, stress thermique, … Les conséquences sur la santé sont nombreuses ! 

Il y a des effets à court et à long terme, en particulier pour les groupes à risque, à savoir les enfants, les personnes âgées et celles souffrant de maladies respiratoires comme l’asthme.

 

Qui est concerné par la pollution de l’air ?

Pour ce paragraphe, il faut s’accrocher un petit peu, parce que c’est contre-intuitif.

Les concentrations d’ozone troposphérique (O3) sont souvent plus élevées à la campagne qu’en ville.

Oui, vous avez bien lu.

En réalité, cela s’explique par un mécanisme chimique complexe.

Allons-y par étape ! On l’a vu précédemment, l’ozone n’est pas émis directement dans l’air, mais se forme dans l’atmosphère à partir de polluants précurseurs, les oxydes d’azote (NOx) et les composés organiques volatils (COV) sous l’effet du rayonnement solaire.

En ville, les concentrations de monoxyde d’azote (NO), émises par la circulation automobile, réagissent rapidement avec l’ozone pour le détruire : ce phénomène fait baisser localement les niveaux d’ozone.

À la campagne, les émissions de monoxyde d’azote (NO) sont beaucoup plus faibles car il y a moins de circulation automobile. Par conséquent, la réaction de destruction de l’ozone est moins fréquente ce qui entraîne une accumulation d’ozone.

Résultat, des niveaux plus élevés d’ozone sont enregistrés à la campagne qu’en ville.

 

Vagues de chaleur et qualité de l’air : triple peine pour les quartiers précarisés 

Si on revient à la ville et que l’on zoom sur Bruxelles, on observe une superposition de plusieurs problématiques.

Tout le monde subit et subira les conséquences du changement climatique, mais pas de la même manière.

Dans les quartiers précarisés de Bruxelles comme ailleurs, les problématiques se juxtaposent. Certaines communes de la capitale sont densément peuplées, peu végétalisées et la circulation automobile est très intense.

De plus, les logements y sont généralement moins bien isolés. Si en hiver, ils sont de véritables passoires thermiques et en été ils se transforment en… bouilloires thermiques !

Ces facteurs rendent les habitant·e·s particulièrement vulnérables à la chaleur et exposé·e·s de manière accrue à la pollution de l’air.

Tous ces constats, établis par Médor dans son enquête Bruxelles Malade, renvoient à la notion de justice climatique.

Le centre-ville de Bruxelles est très pollué et asphalté. En réalité, peu de personnes à Bruxelles vivent à proximité d’espaces verts comme en témoigne cette carte qui met l’accent sur le nombre d’habitant·e·s :

Source : Médor – Bruxelles Malade d’après Bruxelles Environnement, Végétation, 2020

 

La situation va dans le même sens quand on s’intéresse à la pollution de l’air des communes de Bruxelles.

 

Source : Médor – Bruxelles Malade d’après IRCELINE, Concentration moyenne annuelle en particules fines, 2019

 

Malgré ces disparités, presque partout à Bruxelles, les concentrations de particules fines dépassent largement les maximas fixés par l’OMS.

 

Les vagues de chaleur en Belgique

À ce stade, nous l’avons bien compris, les vagues de chaleur augmentent la température de l’air, ce qui accélère ces réactions chimiques et entraîne une plus grande production d’ozone. À quoi doit-on s’attendre en Belgique au niveau des vagues de chaleur ?

 

Comment évoluent les vagues de chaleur en Belgique ? 

Depuis 2015, on recense au moins une vague de chaleur par an ! Leur durée augmente de 2 jours par décennie. L’intensité non plus n’est pas en reste avec 1°C pris par décennie.

Autrement dit, les vagues de chaleur sont plus fréquentes, plus longues et plus intenses.

Ces tendances sont amenées à s’aggraver si rien n’est fait pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et adapter nos villes.

Encore une fois, ce phénomène impacte la santé humaine, en particulier celles des groupes à risques. Concernant la santé des enfants durant les vagues de chaleur, on vous renvoie vers le post LinkedIn de The Shifters Belgium.

 

Quelles solutions pour améliorer la qualité de l’air ? 

Comme l’ozone est un polluant secondaire, une fois qu’il est formé, il est trop tard ! Les mesures d’urgence (vitesse réduite, circulation alternée, etc.) n’ont qu’un impact limité.

Ces mesures peuvent même s’avérer contre-productives pour la même raison qui conduit à des taux d’ozone plus élevé en campagne que dans les villes.

Toutefois, à plus long terme, le double rôle des véhicules motorisés (dérèglement climatique et pollution de l’air) en fait un levier d’action central et incontournable à la fois pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et pour améliorer la qualité de l’air en ville.

 

Paris, un exemple à suivre ?

En une dizaine d’années, la pollution de l’air à Paris a drastiquement diminué. Et les effets positifs se font ressentir !

Cela se traduit notamment par une diminution des décès prématurés liés à la pollution. En 2010, 10 000 décès prématurés ont été recensés à Paris contre 6 200 en 2019.

Rappelons qu’au sein de l’Union européenne, au moins 238 000 personnes sont décédées prématurément en 2020 en raison d’une exposition à une pollution par les PM2.5 (particules fines).

 

Evolution de la concentration annuelle moyenne en NOx dans la Métropole du Grand Paris

Source : Métropole du Grand Paris

Des mesures publiques et des changements de comportement individuels peuvent conduire à repenser la place accordée à la voiture dans l’espace public et à réfléchir à la manière dont nous nous déplaçons aujourd’hui.

 

Quelques exemples de mesures publiques

Construire des pistes cyclables sécurisées, déployer des ZFE (Zones de faibles émissions), limiter la vitesse, renforcer l’offre de transports en commun sont autant d’exemples de mesures publiques.

Ces différentes mesures permettent deux choses. Elles permettent :

  • De réduire les émissions de gaz à effet de serre liées aux déplacements motorisés
  • De réduire les concentrations de polluants atmosphériques

En résumé, il est question d’agir à la fois pour le climat ET pour la qualité de l’air.

Les vagues de chaleur ne se résument pas à une augmentation des températures estivales quelques jours par an et la qualité de l’air est un véritable enjeu de santé publique.

 

Sources :

Air Quality in Europe, 2022

irCELine, Pourquoi les concentrations d’ozones sont-elles plus élevées dans les campagnes que dans les villes ?

irCELine, Quels sont les impacts de concentrations élevées sur la santé ?

Qualité de l’air Bruxelles

Médor – Bruxelles malade : Portrait d’une ville où les inégalités fonctionnent en cercle vicieux

Pic de pollution en été, Qualité de l’air Bruxelles