6 des 9 limites planétaires déjà dépassées
Par : Nikita Colas
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Quelles sont les limites planétaires dépassées ?
Les limites planétaires sont souvent utilisées pour faire état de l’urgence écologique actuelle. Au nombre de 9, ces limites sont avant tout des mesures chiffrées permettant d’exprimer l’espace de développement sûr au sein duquel l’humanité peut prospérer aujourd’hui, mais aussi durant les générations à venir. Or le constat aujourd’hui est sans équivoque : sur les 9 limites planétaires, nous en avons déjà dépassées 6. Quelles sont-elles et en quoi consistent-elles ?
Quelles sont les limites dépassées ?
- Changement climatique : Le changement climatique tel que nous le connaissons aujourd’hui a été causé par l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Cette surconcentration résulte, entre autres, de la combustion des énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, charbon). Pour évaluer cette limite on mesure, en partie par million (ppm), la concentration de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère. Dans l’idéal, le niveau de sécurité ne devrait pas dépasser 350 ppm. Nous sommes en 2023 à plus de 420 ppm. Les conséquences sont, entre autres, des événements climatiques plus extrêmes, tels que des vagues de chaleur, des tempêtes et des inondations, ainsi que des impacts sur l’agriculture, la santé humaine ou encore la sécurité alimentaire.
- Perturbation du cycle de l’azote et du phosphore : Le phosphore et l’azote sont des éléments essentiels à la vie. Le premier sert à la croissance des plantes, des animaux et des micro-organismes. Il est utilisé dans l’agriculture sous forme d’engrais pour stimuler la croissance des cultures. Cependant, des perturbations se produisent lorsque trop de phosphore est introduit dans les écosystèmes naturels, par le biais par exemple de pratiques agricoles intensives, de l‘industrie, et du ruissellement urbain. Les conséquences de cette perturbation se font ressentir sur la biodiversité et, à nouveau, sur la santé humaine (prolifération d’algues et zones mortes en raison de l’excès de phosphore) (4). Les limites planétaires de ces deux éléments ont été fixée à un intervalle de 62 à 82 millions de tonnes par an pour l’azote, et 11 millions de tonnes en ce qui concerne le phosphore. En 2022, ces taux atteignaient respectivement 150 et 22 millions de tonnes. (5)
- Utilisation de l’eau : L’eau douce est une ressource naturelle particulièrement précieuse et indispensable. Pourtant, nous prélevons actuellement bien plus que ce que la Terre peut nous fournir. Cette limite planétaire s’applique à deux types d’éléments aquatiques : l’eau bleue (qui inclut notamment les réserves souterraines, les rivières et les lacs) et l’eau verte (correspondant à l’eau emmagasinée dans la végétation et le sol). Le dépassement de cette limite en 2022 est principalement imputable à l’épuisement de l’eau verte, résultant de la perte de près de 85 % des zones humides actuelles. Mais ce dépassement pourrait également indiquer la nécessité d’une réévaluation de la situation d’autres limites planétaires comme l’utilisation du sol ou la biodiversité (2).
- Changements d’utilisation des sols : Que ce soit pour cultiver les céréales qui nourriront les animaux, pour les mettre directement en pâture ou tout simplement pour nous nourrir, il faut de grands espaces, obtenus en déforestant. On parle alors de changement d’usage des sols, dont la principale cause est l’expansion des terres agricoles. La perte de forêts est l’indicateur retenu pour mesurer cette limite. La respecter implique de maintenir 75% des surfaces forestières. Actuellement, le taux mondial se situe en-dessous, il est estimé à 62%. Les conséquences sont un impact sur la biodiversité, une érosion des sols, une augmentation du risque d’inondations et une augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. En effet, tout comme les océans, les écosystèmes forêts constituent de précieux puits de carbone.
- Érosion de la biodiversité : La biodiversité est essentielle pour la stabilité des écosystèmes. Nous sommes aujourd’hui en pleine 6e extinction de masse. La survie d’un bon nombre d’espèces est gravement menacée. A l’image d’un popcorn qui ne redeviendra jamais un grain de maïs, certaines conséquences, comme l’extinction d’une espèce, sont absolument irréversibles. On mesure cette limite en observant le nombre d’espèces perdues par an pour 1 million d’espèces. Au-delà de 10 espèces perdues, il y a un effet majeur sur la biosphère. Or, nous observons des taux de disparition 10 à 100 fois supérieur.
- Introduction d’entités nouvelles dans la biosphère : Le terme « pollutions chimiques » est peut-être plus évocateur. Cette limite concerne l’introduction de substances chimiques dans l’environnement. Certaines substances toxiques sont dangereuses pour les écosystèmes et les humains. Elles contaminent l’air, l’eau et le sol. On les retrouve notamment dans les molécules de synthèses, les pesticides, les plastiques, les médicaments ou encore les métaux lourds. Seulement une infime partie des centaines de milliers de substance mises sur le marché ont été évaluées à l’égard de leurs dangers sur la santé et l’environnement.
Quelles sont les limites à surveiller ?
- Acidification des océans : Lorsque le CO2 se dissout dans l’eau de mer, il réagit avec l’eau pour former de l’acide carbonique, ce qui entraîne une baisse du pH* de l’eau (l’acidité de l’eau augmente). Ce phénomène, dont la première cause est l’absorption du dioxyde de carbone (CO2), est connu sous le nom d’acidification des océans. L’enjeu est double. Premièrement, les océans sont des puits de carbone qui absorbent la grande majorité de l’excès de chaleur, près de 90% (2). Deuxièmement, quand le pH est trop bas, certains petits animaux marins ne sont plus en mesure de se développer, ce qui perturbe la production d’oxygène (dans le cas des phytoplanctons) et la chaîne alimentaire. Cette acidification de l’eau a également des conséquences sur la formation et la santé des coraux, refuges à de nombreuses espèces marines. Pour évaluer cette limite, on compare la saturation de l’eau actuelle en aragonite à la valeur de l’ère préindustrielle. Comme l’énonce clairement le titre d’un livre de Paul Watson, si l’océan meurt, nous mourrons avec lui. Or la limite se rapproche dangereusement et, si nous continuons à ce rythme, elle devrait être dépassée en 2050. (4)
- Appauvrissement de l’ozone stratosphérique : L’ozone stratosphérique se forme entre 20 et 50 km d’altitude. Cette couche, en absorbant et en filtrant les rayonnements ultraviolets (les UV), protège les êtres vivants. Les rayons UV sont nocifs pour la santé humaine (ils augmentent notamment le risque de cancer de la peau), mais aussi pour les cultures. Il est ici question du très célèbre trou dans la couche d’ozone dont la réduction a fait l’objet de mesures importantes de la part de la communauté internationale dans les années 80. Aujourd’hui, près de 40 ans après, le trou se résorbe enfin. Comme quoi, certaines mesures prises par un nombre important de gouvernements peuvent vraiment faire la différence (7).
- Augmentation des aérosols dans l’atmosphère : Les aérosols sont de minuscules particules solides ou liquides en suspension dans l’air. Certains aérosols sont provoqués par l’activité industrielle (combustion du bois, épandage d’engrais, activité agricole, centrale à charbon dans certains pays d’Europe, etc.) ou les transports (gaz d’échappements des moteurs thermiques et autres) notamment. Les aérosols ont entre autres un impact sur la santé humaine (respiratoire), le climat et le sol. Près de 400.000 personnes décèdent prématurément chaque année dans l’UE en raison de la pollution de l’air (5).
Sources :
(1) Freshwater boundary exceeds safe limits, Stockholm Resilience Center
(2) Earth beyond six of nine planetary boundaries, Stockholm Resilience Center
(3) Heat stored in the Earth system: where does the energy go?
(4) Greenly
(5) La pollution atmosphérique reste trop élevée dans l’ensemble de l’Europe, European Environment Agency
(6) Quelles limites sont dépassées en 2022, The Treep
(7) Le trou dans la couche d’ozone se résorbe, WWF